Chronique – Le droit d’aller mal

le vendredi 3 novembre 2023
Par redactionrf@gravitemedia.com Voir les autres articles

Par Dre Andrée-Anne Bouvette-Turcot, PhD, psychologue

Le jour où j’ai commencé à réfléchir à cette chronique, j’étais d’humeur plutôt maussade. Je venais d’attraper un énième virus en peu de temps, ma charge de travail débordait de partout, j’étais fatiguée… Bref, je n’étais pas à mon meilleur. Vous savez ce qui m’a fait le plus de bien? Me donner le droit de ne pas être à mon meilleur, justement! Qui ne s’est pas déjà fait dire « un de perdu, dix de retrouvés », « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », « rien n’arrive pour rien », « quand la vie t’envoie des citrons, fais de la limonade », etc.? De telles maximes relèvent plutôt de la positivité toxique et ne font généralement pas de bien! La positivité toxique est une croyance selon laquelle on doit toujours rester positif peu importe notre réalité et ce que l’on vit. Lorsque nous tentons de relativiser, de nous comparer (ex. : il y a pire que moi…), nous vivons plus souvent qu’autrement de la culpabilité et donc plus de souffrance. 
  
Les émotions souffrantes (« négatives ») font partie de l’expérience humaine. Toutes les émotions quelles qu’elles soient sont des sources d’information. Une émotion est un signal. Par exemple, lorsque nous ressentons de la tristesse, cela signifie qu’il nous manque quelque chose, que nous avons subi une perte. En prenant connaissance de ce signal, nous pouvons donc nous arrêter, prendre un pas de recul et réfléchir à ce qu’il nous manque et à comment nous pourrons dorénavant combler ce besoin. De même, lorsque nous ressentons de la peur, c’est que nous faisons face à une menace. C’est donc un signal qui nous indique que nous devons nous défendre, fuir, aller chercher de l’aide, etc. La colère, quant à elle, est plutôt signe d’injustice. Elle nous indique que nous devons trouver un moyen de faire valoir notre point de vue, nous faire entendre et/ou réparer cette injustice. 

Les émotions négatives sont donc aussi un puissant moteur de changement. Arrêter de se battre contre elles et de dépenser une quantité infinie d’énergie pour ne pas les ressentir peut aussi procurer un grand soulagement. Dans ces moments-là, ce dont nous avons souvent le plus besoin et de nous sentir validé et compris sans tomber dans la recherche de solution ou la positivité toxique. Et quel soulagement que de ne pas toujours s’imposer de sourire, de garder la tête haute et de serrer les dents. Alors, donnons-nous le droit d’aller mal à l’occasion!

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Dre Andrée-Anne Bouvette-Turcot est détentrice d’un doctorat en psychologie et d’un post-doctorat en psychiatrie. Elle travaille aux Centres de la jeunesse et de la Famille Batshaw (DPJ anglophone) depuis 2018.