Chronique : Les émotions, en a-t-on vraiment besoin ?

le mardi 6 juin 2023
Par redactionrf@gravitemedia.com Voir les autres articles

Par Dre Andrée-Anne Bouvette-Turcot, PhD, psychologue

Qui n’a pas déjà êvé de ne plus rien ressentir momentanément ou, à tout le moins, de filtrer ses émotions pour ne laisser passer que ce qui est agréable? Pourtant toutes les émotions sont importantes et pertinentes (même celles qui sont douloureuses). Qui plus est, quand on tente de se couper de nos émotions désagréables ou souffrantes, on se coupe de tout en même temps, même du beau, de ce qui est agréable et pourrait nous rendre heureux. Ce n’est donc pas souhaitable, n’est-ce pas? Alors, ça vaut peut-être le coup de se (re)connecter à ce que l’on ressent! 

Les émotions sont un signal interne. 

Nos éactions émotionnelles nous fournissent de précieux renseignements sur ce que nous sommes en train de vivre. Une émotion est un signal d’alarme qui nous indique qu’il est en train de se passer quelque chose d’important. Par exemple, si quelqu’un ressent de la colère dans une situation donnée, cela peut signifier qu’il ne se sent pas respecté, entendu ou qu’il vit de l’injustice. Les émotions sont donc comme des intuitions qui peuvent nous renseigner sur la situation dans laquelle nous nous trouvons et sur les valeurs et les besoins qui y sont liés. Il arrive parfois qu’on puisse confondre une émotion avec un fait. Plus l’émotion ressentie est intense ou souffrante et plus cela est susceptible d’arriver. Par exemple, se sentir incompétent dans une situation donnée ne signifie pas être incompétent. Il est donc important d’user de perspective et de prendre une certaine distance avec notre émotion. 

Les émotions sont un moyen de communication.

Nos expressions faciales, notre posture, nos gestes et notre intonation communiquent nos émotions et peuvent influencer l’autre et lui fournir de l’information sur ce que l’on ressent. Elles font partie intégrante de nos processus communicationnels et envoient des signaux à notre entourage.     

Les émotions nous préparent à l’action. 
Toutes les émotions sont liées à des actions et à des envies d’agir de telle ou telle façon. Par exemple, la peur peut me donner envie de fuir, la joie peut me pousser à me rapprocher de quelqu’un pour la partager, etc. De même, des émotions intenses peuvent nous aider à surmonter des situations périlleuses. 

On entend souvent des gens dire qu’ils sont trop émotifs ou qu’ils préfèreraient ne plus avoir d’émotions. Or, ce qui est le plus souvent souffrant est plutôt l’intensité de notre vulnérabilité émotionnelle. La vulnérabilité émotionnelle implique notre sensibilité aux événements ainsi que la durée de nos éactions émotionnelles. Plusieurs facteurs peuvent influencer notre vulnérabilité émotionnelle comme notre état de santé physique, l’alimentation, la consommation d’alcool et de drogues et le sommeil.

Être présent à son émotionr
On perd souvent beaucoup de temps et d’énergie à nous battre pour repousser nos émotions ou pour tout simplement ne pas les ressentir. Mais est-ce que ça fonctionne? Pas vraiment! À l’inverse, on doit plutôt essayer de remarquer nos émotions comme elles se présentent. On les observe en prenant un pas de recul et on décrit ce qu’il nous arrive, sans jugement. Par exemple, on peut constater que l’on est plus irritable aujourd’hui plutôt que de se dire qu’on est soupe au lait. 

Il est aussi important de vivre son émotion comme elle est, c’est-à-dire comme une vague qui monte et qui redescend et qui repart comme elle est venue. Une émotion n’est ni un état permanent ni une condamnation! 

En somme, il est important de garder en tête que nous ne sommes pas nos émotions. Dans les moments où nous nous sentons plus vulnérables et portons des émotions souffrantes, il peut être fort utile de se souvenir de moments où nous nous sommes sentis autrement, de moments agréables et heureux. Après tout, une émotion, quelle qu’elle soit, n’est que temporaire et va éventuellement s’apaiser. 

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Dre Andrée-Anne Bouvette-Turcot est détentrice d’un doctorat en psychologie et d’un post-doctorat en psychiatrie. Elle travaille aux Centres de la jeunesse et de la Famille Batshaw (DPJ anglophone) depuis 2018.