Ingénieur de son : en quête de la note parfaite

le mardi 12 septembre 2023

Jamais Charles Boudreau, alias Chuck Bernard, n’aurait pensé qu’il collaborerait avec l’un des groupes de musique ayant marqué son enfance. L’ingénieur de son a travaillé sur la sortie de trois vinyles issus de l’œuvre de Sum 41 dans le cadre de la tournée d’adieu de la formation.

Concrètement, celui qui a grandi à Candiac s’occupe de la dernière étape de postproduction, le mastering, avant que les albums soient mis en vente. Cette phase consiste à «harmoniser l’ensemble des éléments sonores du mix stéréo et d’en optimiser la lecture sur tous les systèmes et supports».

«C’est comme la validation ultime de la chanson, indique le musicien de 32 ans. C’est s’assurer que les chansons de l’album sonnent bien sur tous les médiums, que ce soit sur un disque vinyle ou dans un format digital. C’est une lourde responsabilité, car une fois que l’album est lancé dans le monde, on ne peut plus revenir en arrière.»

Son meilleur outil? Ses oreilles, dit-il. L’expérience acquise au cours des huit dernières années avec la maison de production Unidisc, propriétaire du catalogue de Sum 41, lui permet de faire confiance à son ouïe afin de trouver la qualité sonore optimale.

«Le système de son avec lequel je travaille, qui vaut des centaines de milliers de dollars, me donne précisément les fréquences que je veux entendre, explique celui qui a converti en vinyle les albums All Killer, No Filler, Does this look infected? et Chuck de Sum 41 en 2022. Dans le local où je travaille, l’acoustique est excellente.»

Charles Boudreau se dit encore sur un nuage et ne réalise pas ce qui lui arrive.

«Je travaillais sur le projet et je n’arrêtais pas de sourire, se réjouit celui qui est également membre du groupe Fabrikate. Pour tout le monde, on se rappelle des chansons qui ont accompagné notre enfance. Ce groupe-là a tellement été présent dans ma vie. C’était une validation de travailler sur ce projet.»

Ce projet lui a permis de plonger dans la nostalgie.

«C’est comme façonner ses propres souvenirs, indique-t-il. Je suis fier de l’avoir fait, c’est un beau moment dans ma vie. Je l’ai fait par passion. J’ai toujours suivi mes tripes.»

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Charles Boudreau, alias Chuck Bernard. (Photo: Le Reflet – Denis Germain)

L’industrie du vinyle

Même s’il note une recrudescence marquée du vinyle, Charles Boudreau explique qu’on est «encore à des années-lumière de ce que le CD a déjà été».

«Ça nous force à constater qu’il y a une nostalgie d’avoir un produit physique de musique, estime-t-il. Nous ne détenons plus autant de musique de nos jours et nous ne connaissons plus le simple fait de tenir un album dans nos mains.»

Il note que plusieurs amateurs prennent le virage du vinyle, mais qu’il s’agit majoritairement d’une communauté de mélomanes.

«Ça reste un produit niché, poursuit l’ingénieur de son. Les personnes qui en achètent sont des gens investis dans leur écoute de musique.»

Au Québec, les musiciens sont «un peu mal pris», puisque le coût de production d’un vinyle est assez élevé, selon ses dires. Il a néanmoins travaillé en ce sens pour les artistes Dumas et Stefie Shock qui souhaitaient refaire d’anciens albums.

«Plus que tu en fais, moins que ça coûte cher, explique-t-il. Les artistes bien établis aux États-Unis sont en mesure de vendre beaucoup de vinyles, tandis que les albums au Québec n’atteignent pas ces chiffres de vente. Principalement, les artistes québécois font ça plus par amour du médium et moins pour faire un coup d’argent.»

Recréer l’expérience en studio

Mathieu Lacourse, président du Studio Bulldog, à Longueuil, reconnait que le travail de l’ingénieur de son est primordial avant la sortie d’un album. Selon lui, le «mastering» peut briser un disque ou lui donner la petite touche qui lui manquait.

«C’est l’étape où l’on prend un pas de recul pour voir ce qui a été fait et détermine comment va être le rendu final, explique-t-il. De plus, une grande partie du travail de l’ingénieur de son est d’être en contact avec le client pour expliquer les volumes choisis.»

Il donne en exemple la sortie ratée de l’album Death Magnetic en 2008 de Metallica, car le «mastering» n’était pas optimal.

«Les amateurs se plaignaient de la qualité sonore, poursuit-il. Ils ont remarqué qu’une meilleure version se trouvait dans le jeu vidéo Rock Band et voulaient se la procurer.»

«C’est comme si je laissais mon empreinte sur la musique qui a marqué ma jeunesse.»

-Charles Boudreau