Monteuse de vidéos pornos : un emploi qui n’est pas sans risque

le mercredi 19 juillet 2023
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local Voir les autres articles

Lorsque Sandrine Filteau est sortie du collège O’Sullivan il y a cinq ans, après avoir étudié les technologies des médias et les plateaux de tournages, elle ne s’attendait pas à trouver son premier emploi dans l’industrie cinématographique en tant que monteuse de vidéos pornos.

La jeune femme, qui habite aujourd’hui Longueuil, a découvert cette opportunité sur la plateforme de recherche d’emplois Indeed. «Initialement, l’annonce parlait simplement de montage de vidéos, sans spécifier le contenu. Ce n’est que lorsqu’on m’a contactée pour en discuter davantage que j’ai compris de quoi il s’agissait», raconte-t-elle.

Ses débutsr
Quelques jours plus tard, c’est dans un immeuble anonyme de Ville Saint-Laurent que Sandrine met ses talents de monteuse au service du 7e art. Elle recevait les séquences brutes (rushs) directement de Los Angeles sur des clés USB, provenant de tournages de films pornographiques haut de gamme, qui coûtaient entre 8000$ et 9000$ à filmer. 

«Les vidéos après montage devaient avoir une durée de 40 minutes», indique la monteuse.

Elle affirme que les contenus québécois étaient rares, même si certains films étaient tournés dans des chalets au Québec.

Parmi les projets sur lesquels elle a travaillé, on compte, entre autres, Age & Beauty Vol. 2 (2019), Three Cheers for Satan (2019), Careful What You Wish For (2020) et une série d’horreur, Under the Bed (2019-2020). Au total, Sandrine a contribué à une trentaine de films.

Côté salaire, la jeune femme gagnait environ 36 500$ par année pour des semaines de 36 heures. «Plusieurs pensent que tout le monde devient riches dans le porno, mais c’est loin d’être le cas», soutient-elle. 

Santé mentaler
Sandrine ne cache pas que cette expérience a entraîné des conséquences sur sa santé mentale. 

À force de travailler avec ce type de contenu, elle a commencé à filtrer ce qu’elle voyait, se concentrant uniquement sur la technique de montage, ajoutant des effets et camouflant les erreurs. Cette distanciation à l’égard du contenu et de la nature souvent explicite des vidéos l’ont finalement conduite à une situation difficile. 

«Un jour, j’ai monté une vidéo pour un fournisseur européen dans laquelle il s’agissait vraisemblablement d’un véritable viol. C’est là que j’ai arrêté», laisse-t-elle tomber.

Après un an et demi, Sandrine a quitté ce milieu pour retourner aux études en soins esthétiques. 

Aujourd’hui, si elle voit un film porno, elle ne peut s’empêcher de remarquer, en professionnelle, les erreurs de montage et les ombres des micros.

«Disons que cette expérience a grandement modifié ma vision de l’industrie pour adultes», conclut-elle.